Dax sous les bombes aérosols
Parmi les premiers à investir la ville, on compte l’artiste Yakes,...
Dans la première agglomération thermale de France, le thème de l’eau s’est naturellement imposé dès les prémices du festival Muralis, dont les fresques à la bombe ou au rouleau ont commencé à égayer les murs en mars 2019.
« Ça a tout de suite donné du sens au projet car le sujet est à la fois local avec le thermalisme, territorial avec le fleuve Adour, et universel vu l’enjeu écologique du XXI e siècle », explique la directrice artistique, Anne Gaiss, également plasticienne.
L’idée de départ, portée par l’association Kalos, était de « transformer les grimaces à la vue de murs abîmés en sourires », explique Louis Cambriel, de la galerie dacquoise Dom-Art. « La rue est publique, elle rend l’art accessible à tous », ajoute-t-il. C’est un peu comme un musée à ciel ouvert, financé par les municipalités successives et des mécènes landais.
Fresques et pochoirs sauvages.
Parmi les premiers à investir la ville, on compte l’artiste Yakes, venu du 9-3 (Seine-Saint-Denis) où il a débuté sur les murs de son quartier et dont le grand-père vit ici. Il a su relier son univers artistique végétal et urbain au thème retenu. Sa fresque toute bleue mélange des éléments d’architecture (Fontaine chaude, arènes) et de paysage, afin de créer une sorte de microcosme de la ville. Elle est visible sur l’édifice choisi pour devenir le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (Ciap) dans le cadre de la labellisation de Dax comme Ville d’art et d’histoire.
Côté jardin de l’office de tourisme, le plasticien Gilbert Mazout, né au Togo, offre une frise poétique : un poisson nageant dans des représentations graphiques inspirées des époques gallo-romaine et Art déco, présentes à Dax (remparts du IV e siècle ou Splendid Hôtel inauguré en 1929).
À deux pas, sur le parking Chanzy, le Bordelais Jean-Luc Feugeas, chercheur en physique théorique, propose une réflexion sur le voyage, l’homme et la mer : l’histoire d’« un sauvage » qui part pour un simple voyage ou une vie meilleure mais se heurte au naufrage et au regard de l’autre.
Les voies piétonnes, la rue d’Eyrose, notamment, abritent quelques exemples de la fascination de Jérôme Rasto pour les vitraux et les enluminures. L’artiste de Perpignan signe là une œuvre insolite et rêveuse, entremêlant l’Adour, la tour du blason de la ville fortifiée, et une amphore qui fait référence aux premiers bains romains.
Autour de la Fontaine chaude d’où coule une eau bienfaisante depuis des lustres, l’envie de s’offrir une cure thermale croît au fil des fresques. Entre la piscine hypnotisante à plongeoir de SupaKitch, la force de l’eau de la Galicienne Lula Goce, et le bain intime de Kan DMV, on ne sait plus à quel graff se vouer ! Dans son style pointilliste, Kan DMV dépeint deux femmes, symboliquement des déesses, des sources personnifiées.
Une vingtaine d’œuvres.
Dernier en date, Jef Aérosol, archiconnu pour son « Chuuuut géant » en plein Beaubourg à Paris, a posé ses pochoirs d’enfants malicieux buvant un verre d’eau... sur un mur de la police municipale.
« Un pied de nez rigolo visant à montrer la reconnaissance de notre métier ! » sourit l’artiste.
Ce pionnier du street art a aussi disséminé des pièces sauvages dans Dax, sans autorisation cette fois-ci. Histoire de perpétuer la spontanéité de l’art urbain : il craint toujours que « trop de street art tue le street art ». Depuis 2019, une vingtaine d’œuvres ont été créées par des artistes émergents ou renommés, locaux ou étrangers, ayant en commun une certaine douceur poétique.
Et Muralis ne se limite plus au centre-ville.
Les quartiers et l’agglomération en profitent aussi. L’artiste parisien La Main Gauche, par exemple, a investi un mur de l’établissement Le Bonifieur sur la voie ferrée, à Saint-Paul-lès-Dax. Et, dans le quartier Cuyès, hors centre-ville, l’œuvre de Russ se déploie dans l’impasse Léon et l’avenue Victor Hugo. Mais « il n’est pas question de saturer l’espace en ajoutant des fresques à tout prix », assure Anne Gaiss, qui œuvre aussi à sensibiliser les enfants à la création artistique.
Muralis investit ainsi les écoles de la ville. À Lucie-Aubrac, l’artiste Naïf s’est inspiré de dessins des enfants. À l’école primaire Simone-Veil, Kelu Abstract a finalisé avec les écoliers son travail autour du portrait, leur laissant le pinceau pour le clair-sombre d’un drapé :
« Même si ce n’est pas millimétré, ça fonctionne. C’est intéressant de réfléchir à comment les impliquer car c’est leur lieu de vie, et peindre sur les murs de son école, c’est quand même assez cool ! »
- Prochaine saison de Muralis du 23 septembre au 3 octobre
- avec les artistes Wenc à Dax, et Ratur à Saint-Paul-lès-Dax.
- Texte et photos (Sauf mention contraire) > Julie Ducourau - Mag Sud-Ouest
lundi 20 septembre 2021
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